Skip Navigation
Repas de famille - 18-Chef-working-with-a-pasta-machine-in-a-kitchen

Repas de famille

Chez Alma à Montréal, Juan Lopez Luna et Lindsay Brennan proposent une cuisine gastronomique qui leur tient à cœur.

Par SARA BARON GOODMAN

PHOTOS PAR ALISON SLATTERY (TWO FOOD PHOTOGRAPHERS)

Les fines bouches qui connaissent le quartier Outremont à Montréal ne l’associent pas d’emblée à la cuisine mexicaine. Il faut dire que le Canada a toujours eu quelques lacunes dans les représentations nuancées de ce pays. Et pourtant, c’est bien là que se trouve Alma, le meilleur restaurant mexicain hors du Mexique, si l’on en croit le prestigieux guide gastronomique Culinaria Mexicana.

Le chef Juan Lopez Luna et la sommelière Lindsay Brennan, en couple à la ville comme aux fourneaux, ont ouvert Alma au printemps 2018 et sont passés l’an dernier d’un menu locavore d’inspiration catalane à une déclaration d’amour aussi enflammée que raffinée au Mexique et à sa masa. Un changement de modèle d’affaires dû à la pandémie et à ses conséquences, mais également à une profonde remise en question de Juan Lopez Luna, parti de sa région natale de Tlaxcala à l’âge de 16 ans.

Repas de famille - 19-couple_in_white_clothing_against_yellow_wall_with_tree_shadows

Lindsay Brennan et Juan Lopez Luna à Oaxaca, au Mexique, en janvier 2025.

« Juan s’est rendu compte que la cuisine mexicaine, qui était intimement liée à sa vie personnelle et à son identité, ne faisait pas partie de sa vie professionnelle, se rappelle Lindsay Brennan. Il avait consacré son temps aux recettes européennes et québécoises et se demandait si cela avait du sens. » L’intéressé opine du bonnet : « Mon regard sur la cuisine mexicaine était différent de celui qu’on m’avait appris à porter sur la cuisine italienne, française ou espagnole. » Il est vrai qu’elle est souvent cataloguée comme simple et bon marché. Sauf que « le Mexique, c’est grand et qu’il y a plein de techniques et de traditions culinaires », ajoute-t-il. Et quand le cœur, la tête et l’assiette ne font plus qu’un, les limites s’effacent.

Alma met donc la tradition à l’honneur avec une approche qui sort des sentiers battus. Le dernier accord mets-vins au menu, un favori du couple, illustre bien sa démarche interculturelle : un mole poblano composé de 30 ingrédients, qui rend hommage à la recette de la tante de Juan Lopez Luna (qui l’a rendue célèbre dans sa région), servi sur une tortilla aux trois maïs avec du magret de canard du Québec, mariné au koji au sel du Québec puis grillé au feu de bois. Pour l’accompagner, ils ont choisi un vin d’une de leurs viticultrices préférées, originaire de la Catalogne française. « Elle lui a donné le nom de notre restaurant », explique Lindsay Brennan en montrant l’étiquette inspirée de l’art populaire mexicain.

Repas de famille - 20-man-and-elderly-woman-making-tortillas

À Guadalupe, dans l’état mexicain de Tlaxcala, Juan Lopez Luna et sa grand-mère âgée de 88 ans, Guillermina Berruecos Cevallos, préparent des tortillas à base de masa de maïs bleu local. Ils se servent d’une presse traditionelle la même qu’elle lui a offerte pour Alma.

Repas de famille - 21-Two-people-smiling-and-drinking-wine-at-a-restaurant-table

« Dans une ville comme Montréal, il y a une saine concurrence entre les grands restaurants, et on voulait se différencier dès le départ », explique Juan Lopez Luna. L’idée? Proposer des plats inspirés par le vin. La question? Un menu mexicain s’accordera-t-il avec une carte de vins catalans? La réponse est oui : les deux terroirs se marient à merveille.

Ici, tout ou presque est une question de racines. L’engouement de Lindsay Brennan pour la Catalogne, communauté autonome espagnole présentant de nombreuses similitudes politiques et culturelles avec le Québec, vient de son enfance montréalaise. Juan Lopez Luna, lui, a grandi près d’Ixtenco, au pied du volcan La Malinche, en regardant les femmes de la famille faire bouillir de grandes marmites pour la nixtamalisation du maïs, une technique consistant à ramollir les grains pour les transformer en une pâte appelée masa, puis en délicieuses tortillas. La première fois que l’odeur du maïs nixtamalisé a envahi la cuisine d’Alma, il en a eu les larmes aux yeux.

Le maïs, comme le vin, est un produit de son terroir. Et il se trouve qu’Ixtenco, par ses sols volcaniques, sa minéralité salée, ses vents forts et ses journées chaudes et ensoleillées, n’est pas si éloignée de la région viticole catalane. « Ces caractéristiques de soleil, fraîcheur, salinité et fumée se traduisent très bien », poursuit Lindsay Brennan.

Le maïs d’Alma, lui aussi, reste fidèle à ses racines. Si le restaurant s’approvisionne localement pour la viande, le poisson et les légumes, il fait venir des variétés de maïs anciennes d’Ixtenco. Plus qu’une question de qualité ou de goût, c’est un acte de résistance politique. Travailler avec de petits producteurs est une manière pour Juan Lopez Luna de rendre à la terre de ses ancêtres ce qu’elle lui a donné tout en freinant la disparition d’un riche patrimoine, mis à mal par la progression du maïs génétiquement modifié.

Cet été, Alma continuera d’étendre ses racines en transformant son bar à vins et tapas situé juste à côté. Tinc Set et son ambiance espagnole laisseront la place à Luz, un bistro à la déco et au menu typiquement mexicains. Seule la carte des vins catalans, importés par Vin i Vida, l’entreprise de Lindsay Brennan, reste. On pourra y savourer des tacos aux tortillas maison, des guisados (spécialités braisées du centre du Mexique) et autres plats locaux mettant en valeur les légumes de saison et les fruits de mer.

Et quand le coeur, la tête et l’assiette ne font plus qu’un, les limites s’effacent.

Encore mieux? Cet espace réaménagé permettra au couple de nixtamaliser de plus grandes quantités de maïs pour se lancer dans la vente de tortillas en gros. Son but étant de continuer à offrir aux Montréalais·es de la masa mexicaine artisanale et écoresponsable.

« Depuis qu’on a décidé de fermer Tinc Set pour ouvrir Luz, on a réalisé que, pour évoluer, il fallait qu’on se laisse guider par notre créativité, conclut Lindsay Brennan. Les restaurants sont souvent des répliques : on a un seul concept et on le garde. Les nôtres seront à l’image de nos vies et de notre évolution. »

Repas de famille - 22-Hand-holding-two-dough-balls-one-blue-and-one-yellow

Technique mésoaméricaine ancestrale, la nixtamalisation du maïs consiste à faire tremper les grains pour en retirer la coque externe afin de les rendre plus digestes. Ils sont ensuite broyés pour former une pâte, la masa, utilisée pour les tortillas.

Repas de famille - 23-Hand-placing-a-tortilla-on-a-hot-griddle
Repas de famille - 24-Elderly-woman-holding-a-basket-of-homemade-tortillas
Form Template
Select a Form Template
Available fields in the selected template:
Templates Library
Loading, Please wait...
The Library cannot be open, please try it again later.
pi. ca.
Espaces disponibles
Espace disponible
This field is required.
Invalid email format.
Some of the fields are not filled or invalid.