
Le pavé de saumon végétal signé New School Foods
Fabriqué Un pavé de saumon concocté à partir d’une protéine végétale.
Par NICOLA HAMILTON et MAX MEIGHEN
Photo par Lianne Snow

Max meighen : J’ai toujours eu un penchant pour les restaurants, leur côté théâtral. J’ai eu la chance de travailler dans des cuisines phénoménales à Toronto, à Montréal et à Londres. Comme j’avais envie de comprendre le métier dans son ensemble, j’ai aussi été boucher, brasseur peu de temps, puis j’ai touché à différents domaines du secteur alimentaire et de l’hôtellerie. Tout sauf le service, bizarrement.
Nicola Hamilton : Il n’est pas trop tard.
m.m. : C’est vrai. Et tout cela m’a conduit à ouvrir un restaurant à l’été 2019. Il était multifacette, à la fois restaurant, brasserie et on cultivait des légumes sur le toit. Les sept premiers mois ont été super, puis le monde s’est soudain arrêté de tourner. C’est là qu’est né Serviette.
N. H. : Je suis graphiste dans le monde de la presse. De mon côté, je réfléchissais au sens de mon métier et aux nouveaux besoins des magazines canadiens. J’ai ouvert Issues Magazine Shop, une boutique pour les mordus de presse écrite et les magazines indépendants, en juillet 2022, deux mois après le lancement de Serviette. C’est comme ça qu’on s’est rencontrés, grâce à Issues et Serviette.
M.M. : Je voulais rester en contact avec ce monde d’idées et les magazines m’ont toujours plu par leur approche tactile et interdisciplinaire. Quant à l’alimentation, c’est un formidable vecteur d’idées et un moyen d’impulser le changement.
n.h. : Le papier, c’est mon premier amour. À l’ère du tout numérique, c’est un changement de rythme et une pause dans le bruit ambiant. Le magazine papier offre une expérience tactile unique. Il raconte des histoires tout en gardant une trace du temps qui passe.
m.m. : Certes, la cadence a ralenti, il en découle une hausse de la qualité et de la valeur de production. Je porte une attention particulière au rythme de parution et à la pertinence des sujets qu’on traite.
Au départ, j’ai conçu Serviette comme une revue d’art, de culture, de design et d’urbanisme qui aborde ces questions sous l’angle alimentaire. C’est bel et bien un magazine culinaire, mais qui s’adresse à un public qui a un goût pour le créatif, la vue d’ensemble et les nuances, plutôt que pour les dernières ouvertures de restaurant.
« Quant à l’alimentation, c’est un formidable vecteur d’idées et un moyen d’impulser le changement. »
N. h. : On commence par définir le thème du numéro. Puis, on lance un appel à contribution public et aux personnes avec lesquelles on aimerait collaborer. Max a ensuite la merveilleuse tâche de passer en revue les 100 à 150 propositions d’articles.
M.m. : On en a eu près de 180 pour le dernier numéro.
N. h. : Ces appels à contribution sont très utiles, car on est tous les trois [Nicola Hamilton, Max Meighen et la directrice éditoriale Caitlin Stall-Paquet] ancrés ici, au Canada. Cela nous permet donc d’avoir des angles très variés, des propositions d’articles auxquels on n’aurait jamais pensé ou pu avoir accès.
m.m. : Et pas que de zones géographiques différentes, de communautés également, dont on a entendu parler mais avec lesquelles on n’est pas forcément en contact. On veille à avoir un large éventail de voix et de modes de vie dans Serviette.
N.h. : Comment se passe ce premier tri?
m.m. : C’est aussi colossal que palpitant. C’est là où le numéro commence à prendre forme. C’est une lourde tâche, car les gens y ont consacré du temps et je veux lire attentivement toutes les bonnes propositions. Plusieurs sont d’ailleurs excellentes. On est fiers de les assembler en un produit unique et plaisant.
N. h. : Mon article préféré se trouve dans le quatrième numéro, qui a pour thème l’absurdité. C’est l’histoire de deux pommes de terre, signée par une rédactrice du Vogue UK, Anna Cafolla : Mr. Tayto, une patate en peluche de deux mètres de haut, représente deux entreprises de croustilles séparées par la frontière irlandaise. Ce duel de mascottes traduit la complexité de l’identité irlandaise.
m.m. : Un des miens, c’est l’histoire d’une écrivaine qui, de retour au Moyen-Orient, se rend compte que tout ce qu’elle aime là-bas serait illégal au Canada en raison de la règlementation sur la sécurité alimentaire. J’ai apprécié la façon dont il a approfondi notre thématique, qui était la consommation (salutations aux personnes qui partagent mon horreur de la bureaucratie).
N. h. : C’est un peu le cas de tous nos articles préférés : ils interprètent le thème de manière intéressante. Dans le prochain numéro, consacré au design, on a un article sur le tout premier robot cueilleur de champignons et un autre sur la politique de la poche à douille, qui désentortille le lien entre décoration de gâteau et féminisme.
Notre équipe étant petite, la conception visuelle d’un numéro est plutôt intuitive. J’ouvre mon dossier de signets d’illustrateurs et de photographes pour voir quelles associations fonctionneraient le mieux. On essaie de faire correspondre chaque texte avec le bon collaborateur, puis de jouer avec l’ensemble.
On le laisse ouvert au cas où le destin viendrait s’en mêler. Par exemple, on avait quatre pages vides dans ce numéro, car je me suis trompée dans mes calculs. Je me suis replongée dans les reportages photo et il y en avait un qui convenait et qui n’avait pas encore été publié.
m.m. : Je me souviens de ce que tu as dit après avoir travaillé sur le premier numéro, que tu n’avais jamais eu autant de place, que ce magazine avait de la place pour respirer.
n.h.. : Des hectares de place. C’est un vrai bonheur. Je ne dirais pas que ce n’est pas du travail, mais c’est super agréable. As-tu pensé à rythmer le magazine comme un repas au départ?
m.m. : Ce n’était pas voulu, mais l’analogie est pertinente. Quand tu es arrivée, je me souviens que tu as dit qu’il avait un rythme uniforme et tu as eu l’idée de remaquetter ses premières pages. L’intro est maintenant plus courte, plus ludique et nous laisse plus de liberté.
N.H. : Je crois qu’on ne peut pas dire que ce n’était pas totalement voulu, parce qu’on a appelé cette section « Entrées ».
m.m. : On arrive ensuite à la partie la plus substantielle, où on réfléchit à l’équilibre, la composition, le rapport au thème. Puis on termine par quelque chose d’un peu décalé et ludique. Certains vont directement à cette dernière page – je pense au concours de légendes du New Yorker – comme si c’était le dessert.
Editor’s notes: