Starting Block - Les 10 ans de Block
BLOCK DE DÉPART Si vous êtes un·e fidèle lecteur·trice de Block, premièrement, merci, et deuxièmement, vous avez dû remarquer que ce numéro est quelque peu différent.
Par : Daniel Bromberg
Photos Par : Frederic Tougas
Cheryl Catterall est tout sourire en laçant ses bottes à embout d’acier, les yeux rivés sur le grand chantier qui lui fait face.
Le projet du 1001, boulevard Robert-Bourassa, dans le Quartier international de Montréal, est sur le point de voir le jour. Coconçu par le studio multimédia montréalais Moment Factory et le cabinet d’architectes américain Gensler, le rez-de-chaussée de cet immeuble du centre-ville est en pleine métamorphose pour répondre aux besoins des milieux de travail modernes et des personnes qui les utilisent.
Avec une ouverture prévue en 2024, l’espace est en cours d’aménagement : vestes et casques de sécurité sont toujours de rigueur sous les fils électriques qui pendent des plafonds ouverts. Cela fait plus de quatre ans et demi que les plans ont été dessinés, bien avant que la pandémie ne vienne bousculer nos habitudes personnelles et professionnelles.
À cette époque, l’amorce d’un changement flottait déjà dans l’air, influençant la conversion de cette tour de bureaux appartenant à Allied en un lieu plus fonctionnel, plus vivable, plus respirable.
Un lieu qui pourrait s’apparenter à votre salon.
« Il était important [pour nous] d’imaginer un cadre accueillant et plein de vie pour les travailleurs, ou les gens de passage, qui empruntent ce rez-de-chaussée », explique Cheryl Catterall, directrice de création chez Moment Factory.
Allied, qui a plus l’habitude d’investir des bâtisses anciennes chargées d’histoire, souhaitait une ambiance chaleureuse, qualité qui fait souvent défaut aux édifices post-modernes à l’architecture strictement fonctionnelle.
L’équipe créative a poussé le raisonnement plus loin en y intégrant le concept de biophilie, à savoir l’affinité de l’être humain pour le vivant et la nature, un lien inné qu’il recherche où qu’il se trouve.
La délimitation du rez-de-chaussée était tout aussi essentielle, avec la conviction que les zones qui se prêtent au rassemblement se doivent d’être circonscrites pour gagner en convivialité. Et c’est grâce à un éclair de génie qu’ils y sont parvenus.
« Un des membres de l’équipe de Gensler avait fait des recherches sur le Mont-Royal et ses trois sommets notamment. Il a alors eu l’idée d’aménager des places assises sous forme de gradins, inspirés des courbes de niveau de la montagne. »
Pour créer un sentiment d’intimité (plutôt absent des bâtiments post-modernes) dans cette immense aire ouverte à très haut plafond, il fallait casser la hauteur : d’un côté, les gradins, qui rapprochent du plafond, de l’autre, de très longs luminaires suspendus. Ensemble, ils définissent une zone privée, propice à un moment partagé dans un espace public.
Assise au sommet de cette montagne imaginaire, appuyée sur ses mains, bras en arrière, Cheryl Catterall me raconte l’autre « eurêka » de ce processus créatif : l’intégration d’un narratif qui s’adresse explicitement aux Montréalais et Montréalaises.
Pour ce faire, un écran géant de 9 m x 6 m sera installé sur le mur côté ouest, écran sur lequel défileront 65 vidéoclips des grands parcs populaires de la ville, du parc La Fontaine au parc du Mont-Royal, en passant par le parc-nature du Cap-Saint-Jacques au bord du lac des Deux-Montagnes. En projetant des paysages appartenant à la mémoire collective montréalaise, Moment Factory a trouvé le fil conducteur de son récit, englobant à la fois architecture et scénographie.
« L’intégration d’une nature qui nous est familière ajoute à l’intime, le lien nous paraît plus évident, continue-t-elle. On ne peut pas toujours abattre des murs, mais on peut réchauffer l’ambiance, changer la bande-son, apporter du ressenti, jouer sur la lumière. La technologie numérique peut, et doit, s’appliquer à l’architecture. »
L’éclairage suivra le fil des saisons, passant des rouges et orangés flamboyants de l’automne aux blancs bleutés doux et froids de l’hiver. Côté nord, un tableau de mousse végétale stabilisée sublime un mur de briques rouges du Nevada, dans lequel s’entrelacent des ampoules DEL, multipliant les combinaisons entre nature et technologie.
Le but de ce mélange d’éléments naturels, de lumière et de trame sonore? Créer un espace holistique chaleureux, qui fait écho à la biophilie et à ses effets sur notre psyché. Cette démarche à 360 degrés, associant architecture, multimédia et conscience aigüe de l’occupation de l’espace, est un bel exemple de l’humanisation d’un lieu.
En balayant le grand hall du regard, Cheryl Catterall réalise le chemin parcouru et s’enthousiasme de l’ouverture d’esprit qui a animé cette collaboration et abouti à un résultat unique en son genre.
« Cette réalisation montre que l’immobilier et l’architecture ont pleinement intégré les disciplines expérientielles et s’en servent à des fins de bien-être. » Et d’ajouter qu’il est rare qu’une entreprise multimédia soit consultée dès le début d’un projet. Cela a contribué, toujours selon elle, à la réussite du 1001, boulevard Robert-Bourassa.
« C’était un vrai cadeau que de pouvoir commencer la conception avant l’arrivée des architectes autour de la table. On a pu s’aligner sur le narratif et influencer certaines décisions pour intégrer la technologie. »