Glenn Harvey
VEUILLEZ COMBLER L'ESPACE La dent creuse de Glenn Harvey
Par: Mélanie Ritchot
OFFERTES PAR STUDIO BOTTÉ
Montréal modernise son éclairage de rue, en équipant les lampadaires d’ampoules à DEL. Les globes de verre qui les chapeautent, devenus obsolètes, ne finiront pourtant pas tous à la décharge : certains auront droit à une seconde vie grâce à un artisan local et à son brillant talent.
Philippe Charlebois Gomez, fondateur de studio botté, se souvient du jour où un ami lui a envoyé une photo de globes de verre empilés sur le trottoir. Une vraie aubaine pour ce récupérateur d’objets, qui a fait du surcyclage sa spécialité, transformant des grilles de ventilateurs (plus de 3 000 dans les cinq dernières années), lattes de stores vénitiens et manches à balai usagés en luminaires chics.
Il est parti les récupérer au pas de course. « Ce n’est que de retour à l’atelier que j’ai réalisé que ces globes provenaient des lampadaires de la ville de Montréal datant de l’Expo 67. Je n’en revenais pas! », explique-t-il.
Grâce à un projet nommé Faro, ces vestiges de l’histoire locale redeviendront donc des luminaires, l’artisan ayant même l’idée d’y graver le nom de la rue où ils ont brillé pendant des années.
Au fil du temps et en fonction de leur exposition au soleil, ils ont pris des teintes différentes. « Certains sont même peints en noir, souvent sur une moitié, certainement par des résidents qui ne voulaient pas de cette lumière dans leur chambre. »
La Ville, qui souhaite doter la totalité de ses lampadaires d’ampoules à DEL, devrait se départir de 4 000 à 12 000 globes de verre. Quand il l’a appris, Philippe a trouvé que c’était beaucoup trop pour lui.
Il doit pour l’instant s’occuper des 140 et quelques globes qu’il a déjà récupérés : les nettoyer, les sabler, puis les monter en lampe. Un projet ambitieux pour lequel il a d’ailleurs demandé de l’aide à un organisme de surcyclage local : une première pour lui.
« J’ai l’habitude de créer mes lampes tout seul, de A à Z », confirme-t-il.
L’artisan attribue sa créativité, et son intérêt pour le surcyclage, en partie à sa mère : petit, il assistait aux ateliers de fabrication de jouets à partir de matériaux recyclés qu’elle organisait pour des orphelinats et des écoles. « Je crois que ça a vraiment stimulé un muscle dans mon cerveau, ça m’a montré que tout est malléable et peut être transformé. »
Philippe a fondé studio botté quatre ans après avoir quitté un poste en design industriel. C’est à cette époque, en se rendant au travail à vélo, qu’il s’est mis à récupérer les ventilateurs et autres objets abandonnés dans les rues montréalaises. Il les entreposait sous son bureau sans savoir s’ils lui seraient un jour d’une quelconque utilité.
« Dès que quelque chose semble un peu cassé, les gens s’en débarrassent. Alors qu’il y a beaucoup d’éléments à exploiter. »
Petit à petit, ses trouvailles ont fini par envahir l’appartement de 165 m2 qu’il partageait avec trois colocataires. Cet espace est aujourd’hui le studio botté : un atelier, une salle d’exposition et une grande réserve.
Sa compagne, Véronique Grenier, impliquée dès le début de l’aventure, se souvient des objets qui, pièce après pièce, gagnaient du terrain dans l’appartement. « Quand ils sont arrivés dans mon bureau, on a pris la décision d’aller vivre ailleurs et de laisser toute la place à l’atelier », explique-t-elle.
Philippe n’a plus vraiment le temps de sillonner les rues à vélo à la recherche de récup’, mais une douzaine d’amis gardent l’œil ouvert pour lui aux quatre coins de la ville.
« Comme tous ceux qui connaissent l’activité de Philippe, je ne peux que m’arrêter et fouiller quand je croise un tas de déchets sur un trottoir, poursuit Véronique. Et si je vois un ventilateur, je saute de joie. »
En ne comptant que sur la récupération, en créant chaque luminaire lui-même à la main et en ne les vendant, et livrant, que localement, Philippe sait qu’il freine la croissance de l’atelier, alors que ce dernier est en plein essor. Mais c’est sa volonté.
« J’ai un peu la phobie de l’expansion, car j’ai vu ce que pouvait devenir une petite entreprise artisanale qui grossit trop. » Pour Philippe Charlebois Gomez, petit rime avec durable.