
Le pavé de saumon végétal signé New School Foods
Fabriqué Un pavé de saumon concocté à partir d’une protéine végétale.

Par Camilla Sampson
PHOTOS OFFERTES PAR CHEYENNE SUNDANCE
Pour produire cet élément essentiel à la vie humaine qu’est la nourriture, il faut que les générations d’agriculteurs se succèdent. Pourtant les inégalités en matière d’accès à la terre et de capital de démarrage constituent des obstacles insurmontables pour certains jeunes tentés par l’aventure. C’est via l’OBNL Sundance Commons qu’une agricultrice noire de 28 ans originaire de Toronto, Cheyenne Sundance, essaie de faire tomber ces barrières tant pour son exploitation, Sundance Harvest, que pour d’autres jeunes cultivateurs marginalisés.
Son métier, elle le découvre lors de voyages en Amérique du Nord et à Cuba, où, en échange du gîte et du couvert, elle travaille dans des fermes biologiques. Le déséquilibre lui saute alors aux yeux : « J’en faisais beaucoup trop pour un simple lit dans une cahute. Ça ne me semblait pas éthique. »

Cultivant ses réseaux sociaux comme ses légumes, Cheyenne Sundance raconte sa vie d’exploitante agricole et celle de son OBNL sur Instagram depuis des années. Ses récoltes de choux ou ses conseils à d’autres jeunes cultivateurs(trices) sont suivis par plus de 30 000 abonnés.

Grâce à l’Agriculture soutenue par la communauté (ASC), Sundance Harvest propose des paniers hebdomadaires contenant assez de légumes, fruits, œufs et champignons, accompagnés parfois de fleurs et de fines herbes, pour deux personnes. Cette formule garantit un revenu régulier à l’exploitation et un accès à des produits frais et abordables aux citoyens locaux.
De retour chez elle en 2019, bien décidée à bousculer le statu quo agricole, elle lance son exploitation. Sauf que sans patrimoine familial, les problèmes d’accessibilité et de stabilité pointent rapidement le bout de leur nez. « Je payais des milliers de dollars pour louer un acre et demi [à Toronto]. Je ne pouvais pas planter de vivaces, c’était d’une année à l’autre. Ça me coûtait le double de mon hypothèque actuelle. »
Sa rencontre en 2022 avec Jon Gagnon, agriculteur dans un écovillage, sert de catalyseur à la cofondation de Sundance Commons, un OBNL exploitant actuellement quatre fermes dans le sud-ouest de l’Ontario. C’est en traversant l’Amérique du Nord en auto que l’idée a germé dans leur tête : « On a vu divers exemples de collectifs agricoles, comme ces coopératives vraiment cool. On a commencé à y réfléchir. Et, à l’automne 2023, on lançait notre projet. »
Aujourd’hui, grâce au soutien de la fondation Trillium de l’Ontario, aux dons et aux partenariats – comme avec FoodShare, qui offre des services de planification stratégique, gestion financière et partage de ressources à des organismes de terrain dirigés par des PANDC –, Sundance Commons propose des formations et des programmes d’accession à la terre, de mentorat, d’équipement et autres aux nouveaux agriculteurs et ce, sans frais, tout en invitant les curieux à se lancer. « Il devrait y avoir plus de lieux pour les essais-erreurs. L’échec fait vraiment peur », poursuit-elle.

Sundance se plaît à penser que la romanisation du « retour à la terre » revient dans l’air du temps. D’un mouvement né au 19e siècle en réaction au capitalisme sauvage au désir actuel d’autosuffisance et de non-participation à des systèmes nuisibles tant à la société qu’à l’environnement, en passant par la contre-culture des années 1970, elle voit dans cette nouvelle émergence des maraîchers un clin d’œil au passé.
Sundance Commons agit aussi à titre d’incubateur, fournissant aux candidats retenus des terres agricoles à exploiter à long terme, leur garantissant ainsi des carrières viables et un accès à la terre pendant des années. « L’avantage, c’est que c’est gratuit, ajoute-t-elle. À ma connaissance, il n’existe pas d’incubateur à Toronto qui offre gratuitement un accès à la terre, une formation et des outils. » L’OBNL s’adresse uniquement aux personnes qui se heurtent à un obstacle : « Si quelqu’un a déjà des terres, ce n’est pas pour lui. »
Et que devient-elle, cette terre, en cas d’abandon d’un membre? « On veille à ce que le lien foncier ne soit pas perdu si quelqu’un souhaite arrêter. Le temps et l’énergie investis à créer des buttes, les enrichir, composter, profitent à quelqu’un d’autre. C’est un beau lien cyclique, à mon avis. »
La preuve que la sécurité foncière et alimentaire est chose possible? En 2024, après cinq ans de location, Cheyenne Sundance a pu acheter un terrain de deux acres, maison comprise, à Mount Forest pour y cultiver fleurs, fruits, légumes et fines herbes, en vivre décemment et y accueillir les formations de Sundance Commons.
Grâce à son habileté à obtenir des financements et son engagement à maintenir des coûts de fonctionnement bas, l’avenir paraît, pour le moment, stable. Mais même si Cheyenne Sundance est aujourd’hui propriétaire de sa terre, elle continue à vouloir créer des opportunités pour les autres. « En fait, je m’y intéresse encore plus, conclut-elle. L’idée d’étendre nos terrains d’action me passionne. »