Escale historique
LE CHANTIER Zoom sur le passé moderniste de l’aéroport international de Gander, désormais accessible aux non-voyageurs.
PAR: ISA TOUSIGNANT
PHOTO PAR: RICHMOND LAM
Se promener sur le boulevard Saint-Laurent, dans le Mile-End montréalais, sans être attiré par la vitrine de Maguire, et avoir envie d’en pousser la porte, est fortement improbable. Les chaussures proposées par cette marque locale ont un charme bien à elles : à la fois chics et pratiques, elles se déclinent dans des nuances éblouissantes et des cuirs doux comme une caresse..
« Du haut de gamme au juste prix », tel est le mot d’ordre des sœurs et cofondatrices Myriam et Romy Belzile-Maguire depuis 2016, date du lancement de leur premier modèle : une espadrille, offerte en noir et en blanc. Elles en ont fabriqué 200, puis ont tout vendu en l’espace d’une fin de semaine à une foire artisanale locale. Ces débuts très prometteurs les ont motivées.
Leur approche commerciale va à contre-courant de l’industrie traditionnelle de la mode. Bien que la plupart de leurs clientes fassent leurs achats en ligne, elles ont vu leurs ventes décoller à l’ouverture de leurs boutiques : la première à Montréal, la deuxième à Toronto en 2020 et la troisième inaugurée en juin dernier à New York. Avec cette dernière, Myriam réalise son rêve beaucoup plus tôt que prévu, et elle le doit à la fidélité de sa clientèle.
Les chaussures signées Maguire affichent des silhouettes élégantes, qui emboîtent le pas aux tendances tout en étant prêtes à déjouer les caprices météo. Le talon plat règne en maître, même si quelques confrères plus haut perchés s’invitent à l’occasion. Ballerines en cuir aux lignes épurées, flâneurs à semelle crantée et autres bottillons Chelsea pensés pour la marche à pied composent la collection, qui se partage entre classiques offerts à l’année et nouveautés en série limitée. Environ 30 modèles voient le jour par saison, affichant de nouvelles teintes et textures. À surveiller cet automne : les sabots crème en vachette et peau lainée, les flâneurs pastel et les mules minimalistes aux couleurs joyaux, dont le vert émeraude, le bleu lapis-lazuli et l’orange cornaline.
Maguire, elle, a décidé de s’inscrire dans la durée et dans la transparence.
Dotées d’un savoir-faire indéniable et à l’écoute de leurs clientes, Myriam et Romy cherchent toujours à améliorer leurs produits, fabriqués au Portugal, en Italie et en Espagne.
C’est en Angleterre, à l’école Cordwainers du London College of Fashion (la même que Jimmy Choo), que Myriam s’est spécialisée dans la confection de chaussures avant d’écumer tous les services du Groupe Aldo les six années suivantes. Conception de produit, approvisionnement ou vente en gros, elle y a appris les ficelles du métier tout en réfléchissant à ce qu’elle pourrait faire différemment.
« Après de la vente en grandes quantités avec des limites matérielles et esthétiques, j’ai décidé que j’allais faire l’inverse », explique-t-elle. D’où son choix d’une production en petites séries, dans des usines européennes, à partir de matières de qualité tels le cuir et la peau lainée. Elle souhaitait également offrir un salaire décent tout au long du processus de fabrication. « J’avais envie que la qualité du produit soit bonne et le profit raisonnable, mais aussi que le prix soit plus juste pour les clientes et pour les usines. Un modèle un tiers, un tiers, un tiers en quelque sorte », poursuit-elle.
La solution? Adopter un modèle de vente directe au consommateur, à la Everlane ou à la Warby Parker, pour éviter les pièges de la vente en gros, notamment les changements de dernière minute, retards de livraison et annulations de contrat. La contrepartie? Assumer l’entière responsabilité du marketing, de la vente et de l’expérience client.
« On a passé notre première année en boutique », lance Romy en riant. Cette experte en communication, sa précédente carrière, se rappelle avec nostalgie ce local partagé avec une lunetterie, où elle a découvert que la vente de chaussures était une voie pavée de points de friction : la concurrence entre les vendeurs à la commission et les va-et-vient incessants dans l’arrière-boutique à la recherche de la bonne pointure exercent une forte pression sur la clientèle. Résultat? Les sœurs ont réécrit le scénario, dans le style Maguire bien évidemment.
« On aimait l’idée de libre-service offert par certains magasins, où on peut chercher sa pointure soi-même, mais on préférait une structure hybride dans laquelle nos employés seraient présents pour prodiguer leurs conseils », poursuit-elle. Chez Maguire donc, les clientes magasinent sur le site Web, puis viennent en boutique essayer les modèles et profiter des conseils du personnel (non commissionné) et enfin achètent en ligne sans frais de livraison : une symbiose parfaite entre le virtuel et le réel.
Généralement, afin de susciter l’engouement, une marque de chaussures sort sans arrêt, et en grande quantité, de nouveaux produits, sans savoir vraiment ceux qui feront mouche. Ce schéma, qui s’inscrit dans l’instant, est synonyme de gaspillage et de basse qualité. Maguire, elle, a décidé de s’inscrire dans la durée et dans la transparence. Selon sa philosophie zéro déchet, tous les modèles, saisonniers ou non, restent en vente jusqu’à épuisement des stocks. Cette vision à long terme, appuyée par une croissance continue, semble bel et bien marcher.