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Maman bosse

Par: Chantal Braganza

ILLUSTRATION PAR: Jason Logan

Maman bosse - kid-ideology-art-sketch

Dans le langage parental, deux termes décrivent le chamboulement des premiers mois durant lesquels mère et enfant s’adaptent à la vie postnatale : « le quatrième trimestre », soit les 12 semaines suivant la naissance, et « la matrescence », à savoir les changements physiques et psychologiques qui accompagnent le fait de devenir mère. Bien que ces concepts supposent que l’enfant sera élevé par la personne qui l’a mis au monde, ils soulignent ce que la société préfère ignorer à propos des bébés : apprendre à s’en occuper est souvent un travail dévorant, angoissant et chronophage. Matière à gag des séries télé comiques, les couches, coliques et autres nuits sans sommeil font rarement l’objet de reportages fouillés.

Pour mon premier congé de maternité, voici ce à quoi je m’étais préparée : allaitement de nuit, montagne de tubes de crème anti-fesses rouges et vacances bien méritées pour mon cerveau de journaliste, car je commençais à souffrir du syndrome de la page blanche, réécrivant sans cesse mes articles dans ma tête sans vraiment parvenir à noircir mon écran. Ce à quoi je ne m’attendais pas de la part de cette nouvelle parentalité, aussi prenante soit-elle, c’est qu’elle m’aide à sortir de ma paralysie.

Dans Les argonautes, son essai publié en 2015, Maggie Nelson confie qu’elle ne peut écrire avec son bébé dans les bras. Allaiter devant son ordinateur lui étant impossible, elle a rédigé une bonne partie de son livre branchée à un tire-lait. Sauf qu’on peut jouer à ce Tetris mental, composé d’idées et de mots, n’importe où et n’importe quand, en berçant un enfant notamment. Bon nombre d’écrivaines ont trouvé leur inspiration dans les actes banals de la maternité. Pour certaines, ils ont même influencé leur oeuvre. L’autrice torontoise Rivka Galchen a mis à profit l’oisiveté de son cerveau postnatal dans Little Labors : une collection de textes sur l’absence des bébés en littérature, nourris de références aussi variées que les coutumes de la cour japonaise à l’époque de Heian et les films d’action de Keanu Reeves.

Si 90 % de l’écriture consiste en de la réécriture, prendre soin d’un enfant durant les premiers mois de sa vie s’y apparente : une répétition sans fin de taches au quotidien jusqu’à atteindre quelque chose de plus substantiel que leur simple maîtrise. Chez moi, cela s’est traduit par une plus grande attention au comportement humain : le soupir particulier de mon bébé rassasié ou l’odeur de sa salive juste avant qu’il ne fasse une dent. J’ai gagné en confiance et en rapidité. Avant d’être maman, j’aurais attendu le bon moment pour entamer quelconque rédaction, réfléchir à un paragraphe, en soupeser chaque mot. Aujourd’hui, j’ai écrit la moitié de cet article pendant la sieste de mon second, en lui caressant le dos pour qu’il se rendorme. Jamais sinon, je n’aurais pu le remettre à temps.

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