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By: Kristina Ljubanovic
« Aucun endroit au monde ne ressemble à la Place de l’Ontario », annonçait une de ses premières brochures publicitaires.
Banal peut-être, mais vrai.
Avec ses îles artificielles, sa digue de 460 mètres formée de trois cargos immergés, sa coupole géodésique abritant le premier cinéma IMAX au monde et ses pavillons qui semblent flotter, la Place de l’Ontario, située sur le front de mer torontois, est une originale : une construction rare, et probablement la seule sur l’eau, qui se démarque par son style utopique combinant architecture moderne et aménagement paysager écologique.
Ce parc de loisirs, qui fêtait ses 50 ans en 2021, fait l’objet d’un plan de revitalisation de la part du gouvernement provincial, une démarche à huis clos critiquée par les passionnés d’architecture, par les nostalgiques de la Place de l’Ontario de la grande époque et par les partisans de la transparence dont doivent faire preuve les pouvoirs publics.
Parmi eux, Aziza Chaouni, architecte au Maroc et au Canada et professeure à l’Université de Toronto, et Bill Greaves d’Architectural Conservancy Ontario (ACO). Tous deux obtiennent que le parc soit inscrit en 2020 sur la liste de l’Observatoire mondial des monuments (World Monuments Watch), qui a pour mission de recenser les sites culturels en danger. La cathédrale Notre-Dame de Paris, la vallée sacrée des Incas proche du Machu Picchu et le village d’Orongo sur l’île de Pâques en faisaient également partie cette année-là.
Grâce au soutien de l’Observatoire, ils forment un comité consultatif composé de poids lourds de l’architecture, dont Margie Zeidler, fille d’Eb Zeidler, architecte visionnaire de la Place de l’Ontario. Sous le nom de The Future of Ontario Place Project, ils publient une lettre ouverte « dénonçant l’opacité du procédé gouvernemental, étant donné que la revitalisation sera financée par de l’argent public », explique Aziza Chaouni. Ils recueillent des centaines de signatures.
Le gouvernement leur répond qu’il préservera la Cinésphère et les pavillons, mais ce n’est pas suffisant pour l’architecte.
« Quand on a étudié le parc et son architecture paysagère signée Michael Hough, un pionnier en écologie urbaine donc on parle ici d’un aménagement durable à préserver, on a découvert que c’était un complexe, constate-t-elle. Ou une gesamtkunstwerk, selon Bill Greaves, à savoir que « jardins, architecture, infrastructures et environnement sont totalement intégrés. Si on transige sur un de ces éléments, on perd l’âme du lieu », poursuit-elle.
L’architecte n’est pourtant pas anti-développement. Elle travaille actuellement sur deux projets de conservation, celui de la station thermale de Sidi Harazem au Maroc et celui de la Foire internationale de Dakar au Sénégal : deux vastes complexes datant de la même époque.
« Il faut sortir des clichés. Aujourd’hui, la préservation du patrimoine bâti s’inscrit dans une vision globale, qui comprend la mise aux normes, la réutilisation adaptative et la programmation. Ce n’est pas une chose ad hoc », ajoute-t-elle au sujet de l’approche fragmentée du gouvernement.
The Future of Ontario Place Project a ouvert un espace en ligne pour compiler témoignages de visiteurs et documents d’archives et a également lancé un appel à idées national auprès des étudiants en école d’architecture. À la fin de l’été 2021, l’ACO a demandé au public d’imaginer sa future Place de l’Ontario sous forme de carte postale. Ces dernières ont été envoyées au gouvernement.
Le groupe poursuit son action avec enthousiasme, Bill Greaves estimant que sans l’adhésion appropriée, les plans du gouvernement finiront par échouer. Un de ses plus grands défis? Faire prendre conscience de l’importance architecturale de la Place de l’Ontario.
« Le patrimoine du 20e siècle, que j’appelle le patrimoine de notre passé récent, souffre d’un manque d’appréciation du fait de son jeune âge : certains ne comprennent pas sa valeur », explique Javier Ors Ausín, chargé de projet à l’Observatoire.
Et des années de négligence laissent des traces. « Sans vision, un endroit s’effondre, conclut Aziza Chaouni. Mais ce n’est pas une raison pour s’en débarrasser. »
« Il est en fait difficile d’exagérer son importance. C’est un exemple rare, emblématique et singulier de l’architecture moderne tardive », conclut Bill Greaves. Et au tour de Javier Ors Ausín de conclure : « C’est un endroit apprécié par plusieurs localement. Sans compter que tout le monde peut accéder au front de mer par la Place de l’Ontario. C’est ce qui compte vraiment pour nous. »