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Beauté en vue

Par: YVONNE GAVAN

Illustration Par: Jason Logan

Beauté en vue - feel-it-all-bus

« Tu sais, s’il n’y avait pas cette odeur d’égouts, je me plairais bien ici. » Cette phrase, je la lançais à mon amie pendant une promenade autour du lac, dans le parc de notre quartier. Et je gardais pour moi toutes les autres choses qui me dérangeaient ce jour-là, dont les moustiques et l’humidité étouffante.

On était dans un des rares espaces verts de la ville, un endroit agréable et prisé. Mais je peinais à en voir la beauté. Cette journée en particulier et toutes les autres ou presque depuis que j’étais arrivée, quelques mois plus tôt, dans le chaos de Dacca, la capitale surpeuplée du Bangladesh.

Je me disais que j’avais besoin de beauté autour de moi pour être heureuse, apaisée et équilibrée, me rappelant les superbes bâtiments de style Regency de notre quartier londonien ou les collines déchiquetées de notre village d’Afrique australe.
Cette fin de semaine, pendant un atelier de méditation en ligne, je découvrais un concept qui piquait ma curiosité : la « tonalité du ressenti », à savoir la prise de conscience de notre sensation à un instant T, qui peut être agréable, désagréable ou neutre. Traduction directe du mot pali vedanā, c’est un moyen de comprendre notre perception du monde.

Les semaines suivantes, j’essayais d’étiqueter mon ressenti. Plus je me rendais compte de mes préjugés, moins je me formalisais et plus mes expériences s’amplifiaient.

Je me promenais le long du lac le nez en l’air, fascinée par la forme des feuilles et autres plantes grimpantes qui m’abritaient du soleil. Entre deux secousses de pousse-pousse, je profitais du vent sur mon visage tout en admirant l’adresse des perruches voletant d’un palmier à l’autre. Au-dessus de l’agitation de la ville, la surface marbrée de la lune, suspendue à l’arête en béton d’un bâtiment inachevé, avait quelque chose d’étrangement calme et beau. Ce que je ressentais était à la fois familier et entièrement nouveau. Et je n’étais pas la seule.

« Il faut que tu voies ça », me pressait mon mari avec enthousiasme en faisant défiler sur son téléphone des impressions réalisées par un artiste bangladais à partir de tampons de bois. Ce qui ressemblait à première vue à un fouillis de lignes abstraites représentait les chantiers de construction de Dacca : un enchevêtrement d’échafaudages aussi complexes qu’une fractale.

Même le vendeur de sacs en toile, sur lesquels s’affichaient les bus bleus de Dacca tout rouillés, me parlait de beauté insoupçonnée.

En partageant des shingaras sortis d’un sac en papier, je confiais à mon amie que quelque chose avait changé, que Dacca était différente. « Ce n’est pas Dacca qui a changé, me répondit-elle avant de croquer dans son beignet, c’est toi. »

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